Dans le domaine de la recherche médicale, une attention croissante est accordée au lien entre la dépression et l’inflammation dans le cerveau. En effet, les avancées récentes ont mis en lumière une corrélation significative entre des niveaux élevés d’inflammation et la prévalence de la dépression. Pour mieux comprendre cette relation, il est essentiel de comprendre ce qu’est l’inflammation, son impact sur le cerveau et ses implications dans les symptômes dépressifs. Ainsi, de nouvelles solutions voient le jour pour atténuer les symptômes de la dépression.
Qu'est ce que l'inflammation ?
Comprendre l'inflammation
Tout d’abord, l’inflammation est une réponse naturelle et complexe du système immunitaire face à une agression ou à une infection.
Considérons l’analogie du système immunitaire comme une armée défendant notre corps, notre pays, contre les envahisseurs tels que les bactéries et les virus. Lorsqu’une menace se présente, comme une blessure ou une infection, le corps déclenche un processus d’inflammation pour réagir.
Cela implique l’activation de diverses cellules et molécules du système immunitaire pour neutraliser le danger et promouvoir la guérison.
Ainsi, les cellules du système immunitaire sont comme des petits soldats envoyés sur le champ de bataille, et les molécules sont les messagers qui permettent la communication entre les différents membres de l’armée.
Les symptômes d'une inflammation
Tout le monde a déjà pu observer une légère inflammation à la surface de sa peau. Par exemple, après une coupure, une inflammation est lancée et se manifeste par des symptômes de rougeur, gonflement et sensibilité. Ceci pour éviter que des bactéries viennent envahir le corps par cette brèche.
Cependant, quand l’inflammation se produit à l’intérieur du corps, les symptômes sont moins apparents ou visibles. Dans de telles situations, des analyses plus poussées, par exemple la mesure du taux de CRP dans le sang, pourront aider à évaluer le degré d’inflammation dans le corps.
L'inflammation fait des dégâts collatéraux
Tout comme sur un champ de bataille où des dommages collatéraux touchent parfois les habitations et les civils lors d’un conflit, le corps subit également des effets similaires. L’inflammation peut ainsi causer des dommages internes.
Si l’inflammation est ponctuelle, elle s’arrête et le corps pourra se réparer. Néanmoins, si celle-ci est chronique et qu’elle ne s’arrête pas, le corps ne pourra pas réparer les dégâts collatéraux. Il y aura des dommages sur le long terme. C’est pourquoi il est important de trouver un moyen d’arrêter cette inflammation chronique.
Les conséquences de l'inflammation sur le cerveau dans la dépression
La découverte de l'inflammation dans le cerveau
Le cerveau a longtemps été considéré comme étant isolé du système immunitaire par la barrière hémato-encéphalique (barrière isolant le cerveau du reste du corps). Cependant, des découvertes récentes ont révélé la présence de cellules immunitaires et de processus inflammatoires dans le cerveau, connus sous le nom de neuroinflammation.
La neuroinflammation dans la dépression
Dans le contexte de la dépression, une neuroinflammation chronique perturbe le fonctionnement du cerveau. Par exemple, cette inflammation perturbe la production et la transmission des neurotransmetteurs. C’est le cas de la sérotonine et la dopamine, qui régulent l’humeur et la motivation1.
De plus, l’inflammation peut inhiber la neurogenèse dans l’hippocampe, c’est-à-dire la production de nouveaux neurones. Les conséquences sont une altération du fonctionnement des régions cérébrales impliquées dans la mémoire et la cognition2.
À noter que toutes les dépressions n’ont pas une origine inflammatoire. Il se profilerait différentes catégories de dépressions : celles de type « inflammatoire » et celles où il n’y aurait pas d’inflammation.
Les symptômes provoqués par l'inflammation dans la dépression
Par ailleurs, l’inflammation chronique peut entraîner divers symptômes dépressifs au niveau du cerveau. Elle contribue aux troubles de l’humeur en amplifiant l’anhédonie, soit la perte de plaisir. De plus, elle est associée à une augmentation de la fatigue chronique et à des perturbations du sommeil.
Le lien entre inflammation et isolement social
Il a été observé que l’inflammation favorise l’isolement social, exacerbant ainsi le sentiment de solitude3,4.
Ainsi, une hypothèse est que ce comportement aurait été sélectionné par l’évolution naturelle pour la survie de l’espèce humaine. En effet, à l’époque des cavernes, lorsqu’un individu était malade et qu’il s’isolait, cela permettait de ne pas contaminer le reste du groupe. Ainsi, le groupe avait plus chance de survivre5.
Le marqueur d’une infection étant l’inflammation par excellence, elle vient donc promouvoir l’isolement social pour une raison de survie.
Si ce comportement est utile sur le court terme, il devient problématique sur le long terme. Dans le cas de la dépression, il accentue même les symptômes dépressifs et l’isolement social.
Les symptômes cognitifs dans la dépression
La neuroinflammation cause des dommages sur les neurones, notamment dans l’hippocampe et dans la production de sérotonine et de dopamine. Ceci a pour conséquence de diminuer les capacités de concentration et de mémoire, il peut être ressenti une sensation de brouillard mental.
De ce fait, la personne souffrant de dépression peut également rencontrer des difficultés à maintenir une réflexion prolongée, à suivre une pensée complexe et à trouver ses mots.
Les solutions pour réduire l'inflammation dans la dépression
Les solutions médicamenteuses
Les antidépresseurs restent aujourd’hui le traitement par défaut pour la dépression. Il existe une multitude de molécules à effet antidépresseur. Certaines personnes en dépression doivent en essayer plusieurs avant de trouver un traitement adéquat. D’autres sont résistantes aux traitements et ne voient pas d’amélioration de leurs symptômes.
Au regard de l’inflammation, il semblerait que l’activité inflammatoire permette de prédire l’efficacité des traitements par antidépresseurs6. Cela dépendrait de quelles molécules inflammatoires sont activées. Il y aurait donc des « profils inflammatoires » différents en fonction des dépressions.
La psychonutrition pour la dépression
L'action de l'alimentation sur le cerveau
La recherche s’intéresse également à l’influence de l’alimentation sur les symptômes dépressifs. Cette discipline est appelée la psychonutrition5.
L’alimentation permet de diminuer l’inflammation dans le corps, mais aussi de promouvoir la production de sérotonine et de dopamine.
L’effet est à la fois direct, en apportant les bons nutriments pour le fonctionnement du cerveau, et indirect, avec le lien microbiote-intestins-cerveau. Par exemple, en nourrissant les bactéries qui contribuent à la réduction de l’inflammation, ou à la production de tryptophane, un précurseur de la sérotonine. Ainsi, le microbiote a un effet antidépresseur.
Une alimentation anti-inflammatoire
Une alimentation anti-inflammatoire est riche en légumes, fruits, petits poissons gras (sardines, hareng, anchois…), et pauvres en graisses saturées, sucres raffinés, produits transformés et industriels.
Pour promouvoir la production de sérotonine et de dopamine, il est important de consommer suffisamment de protéines et de diminuer les hydrates de carbone contenus dans les féculents.
Les compléments alimentaires
L’alimentation moderne est carencée de certains nutriments. S’il existe déjà des carences chez les personnes en bonne santé, il est d’autant plus important de le vérifier chez les personnes en dépression.
L’alimentation pour la dépression peut être complétée par une supplémentation tels que les oméga-3 (7), la vitamine D8,9 et le magnésium.
Tout ceci aidera à réduire l’inflammation et soutenir la santé mentale.
Les autres solutions naturelles pour la dépression et l'inflammation
Il existe de nombreuses autres solutions qui permettent de diminuer l’inflammation dans le corps. Par exemple, une activité physique régulière permet de diminuer l’inflammation.
La cohérence cardiaque, une méthode de respiration, permet d’activer le système nerveux parasympathique et de diminuer l’inflammation.
Enfin, toutes les techniques de gestion du stress telles que la méditation et la relaxation peuvent également contribuer à réduire l’inflammation. Ces méthodes diminuent la production de cortisol, une hormone liée au stress qui peut exacerber l’inflammation.
En conclusion, la compréhension du lien entre l’inflammation et la dépression ouvre de nouvelles perspectives dans la gestion de cette maladie. En adoptant une approche globale qui cible l’inflammation, il est possible d’améliorer le bien-être mental des personnes atteintes de dépression. Ceci ouvre à l’élargissement de l’éventail des options thérapeutiques disponibles. L’hygiène de vie comme l’alimentation, l’activité physique et la gestion du stress, deviennent des éléments très importants pour la prise en charge de cette maladie.
1 Beurel, E., Toups, M., & Nemeroff, C. B. (2020). The Bidirectional Relationship of Depression and Inflammation: Double Trouble. Neuron, 107(2), 234–256.
2 Troubat, R., Barone, P., Leman, S., Desmidt, T., Cressant, A., Atanasova, B., Brizard, B., El Hage, W., Surget, A., Belzung, C., & Camus, V. (2021). Neuroinflammation and depression: A review. The European journal of neuroscience, 53(1), 151–171.
3 Eisenberger, N. I., Inagaki, T. K., Mashal, N. M., & Irwin, M. R. (2010). Inflammation and social experience: an inflammatory challenge induces feelings of social disconnection in addition to depressed mood. Brain, behavior, and immunity, 24(4), 558–563.
4 Loh, M. K., Stickling, C., Schrank, S., Hanshaw, M., Ritger, A. C., Dilosa, N., Finlay, J., Ferrara, N. C., & Rosenkranz, J. A. (2023). Liposaccharide-induced sustained mild inflammation fragments social behavior and alters basolateral amygdala activity. Psychopharmacology, 240(3), 647–671.
5 Fond. G. (2022) Bien manger pour ne plus déprimer. Edition Odile Jacob, 272 pages.
6 Harsanyi, S., Kupcova, I., Danisovic, L., & Klein, M. (2022). Selected Biomarkers of Depression: What Are the Effects of Cytokines and Inflammation?. International journal of molecular sciences, 24(1), 578.
7 Borsini, A., Nicolaou, A., Camacho-Muñoz, D., Kendall, A. C., Di Benedetto, M. G., Giacobbe, J., Su, K. P., & Pariante, C. M. (2021). Omega-3 polyunsaturated fatty acids protect against inflammation through production of LOX and CYP450 lipid mediators: relevance for major depression and for human hippocampal neurogenesis. Molecular psychiatry, 26(11), 6773–6788.
8 Xie, F., Huang, T., Lou, D., Fu, R., Ni, C., Hong, J., & Ruan, L. (2022). Effect of vitamin D supplementation on the incidence and prognosis of depression: An updated meta-analysis based on randomized controlled trials. Frontiers in public health, 10, 903547.
9 Kaviani, M., Nikooyeh, B., Zand, H., Yaghmaei, P., & Neyestani, T. R. (2020). Effects of vitamin D supplementation on depression and some involved neurotransmitters. Journal of affective disorders, 269, 28–35.